La « laideur se vend mal » disait Raymond Loewy, tenu pour le fondateur du design industriel, qui fut l’un des grands promoteurs de l’American Way of Life. Celui à qui l’on doit la création ou l’arrangement des plus célèbres logos du 20ème siècle (LU®, le paquet de LUCKY STRIKE®, NEW MAN®, FORMICA®, COOP®,…) se plaisait à dire « qu’il était impossible pour un américain de n’être pas en contact avec l’une ou l’autre de ses créations au moins une fois par jour »
Lorsqu’un consommateur a le choix entre deux produits présentant les mêmes qualités intrinsèques à un coût similaire, il sélectionnera le produit dont la forme, ou l’apparence est la plus naturellement empathique. La recherche stylistique est une manière efficace de rallier la clientèle en faisant préférer son produit à celui proposé par la concurrence. Le design des produits confère un atout compétitif aux entreprises en renforçant la relation des clients avec la marque corporate. L’effort du design permet de différencier un produit, voire un service, tout en créant une nouvelle référence qui rend l’offre plus attrayante.
Mais comment protège-t-on le design d’un produit, c’est-à-dire sa forme, son apparence ?
En France, la protection de la forme des œuvres des arts appliqués s’inscrit dans un cadre juridique privilégié, grâce à la théorie dite de « l’unité de l’art ».
La forme esthétique d’un produit, le design d’un objet industriel, peut être protégée cumulativement par le droit d’auteur, et par le droit des dessins et modèles, à l’exception toutefois des formes exclusivement fonctionnelles ou utilitaires, c’est-à-dire qui répondent à une finalité technique.
Chacun de ces droits permet au créateur de s’opposer à l’exploitation de sa création effectuée sans son consentement, de s’opposer à une utilisation qui la dénaturerait ou d’exiger que son nom soit mentionné en cas d’appropriation de l’œuvre par une tierce personne.
1. La protection par le droit d’auteur
La protection par le droit d’auteur ne nécessite aucune formalité de dépôt, et n’est pas consacrée par un titre officiel : le droit d’auteur naît du seul fait de la création.
Cependant, si la protection accordée par le législateur sur le droit d’auteur naît à compter de la date de création, sans formalité de dépôt, il incombe à l’auteur qui réclame cette protection de démontrer d’une part que son œuvre est originale, c’est-à-dire empreinte de sa personnalité et marqué d’un certain apport intellectuel, et d’autre part de rapporter la preuve de la date à laquelle la création a été faite.
Pour obtenir cette date certaine, le créateur devra se ménager un moyen de preuve de sa création. Parmi les moyens de preuves pouvant être mis en œuvre, il est possible de faire un dépôt probatoire sous pli scellé, conservé chez un tiers, ou encore de faire un dépôt de dessins et modèles.
Le pli scellé peut prendre la forme d’une enveloppe Soleau, déposée à l’INPI, ou d’enveloppes cachetées, dont la conservation peut être confiée à un officier ministériel (huissier, notaire) ou à différents organismes spécialisés, selon le type de création en cause (SACD, SACEM, APP, ADAGP, SGDL,..).
Ces dépôts probatoires permettent de prouver plus facilement au juge, en cas de conflit, la date à laquelle l’œuvre a été créée, en revanche, elles ne conditionnent nullement la protection de l’œuvre
L’avantage de déposer un dessin ou un modèle est d’obtenir de facto une double protection par le droit d’auteur et le droit de la propriété industrielle (droit des dessins et modèles).
2. La protection par le droit des dessins et modèles
A la différence des droits d’auteur, le dessin et modèle est un titre de propriété industrielle qui nécessite l’accomplissement d’une formalité de dépôt auprès d’un office de propriété industrielle. En outre, la création déposée devra respecter des conditions de validité, à savoir : nouveauté et caractère propre.
1) La nouveauté
Un dessin ou modèle enregistré sera considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique ou ne variant que par des détails insignifiants n’a été divulgué au public, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.
En conséquence, les divulgations par le créateur ou son ayant droit lui sont opposables.
Cette règle connaît deux exceptions :
– Les divulgations intervenues moins de 12 mois avant le dépôt ne seront pas destructrices de nouveauté et une demande d’enregistrement de dessin ou modèle pourra donc être valablement déposée au cours de ce délai de grâce.
– Par ailleurs un dessin ou modèle ne sera pas considéré comme privé de nouveauté si dans la pratique normale des affaires, la divulgation ne peut être raisonnablement connue des milieux spécialisés du secteur concerné.
2) Le caractère propre
Un dessin ou modèle sera considéré comme présentant un caractère propre si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produits sur un même utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public antérieurement.
Dans l’appréciation du caractère propre, il sera tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou du modèle. Cette appréciation est effectuée en comparaison des modèles antérieurs de compas.
L’INPI et l’EUIPO n’examinent pas de leur propre initiative si les modèles déposés sont nouveaux ou possèdent un caractère propre (on parlera de caractère individuel au niveau communautaire).
Des tiers peuvent en revanche demander que des dessins ou modèles déposés, soient déclaré nuls.
La procédure en nullité ne peut être engagée à l’encontre d’un dessin ou modèle qu’après son enregistrement, et non au cours de la procédure d’enregistrement.
En outre, et dans la mesure où les produits concernés ne seront pas divulgués et/ou commercialisés avant une certaine période, il peut être recommandé, lors du dépôt des modèles, de demander l’ajournement de la publication.
En effet, un dessin et modèle peut faire l’objet d’un ajournement de publication pendant une période maximale de 30 mois à compter de la date de dépôt ou de la première date de priorité revendiquée.
Cette période de confidentialité permet ainsi au déposant – une entreprise par exemple, – de poursuivre le développement de sa stratégie de commercialisation ou de finaliser la préparation de la production des produits sans que ses concurrents aient connaissance des modèles déposés.
Au moment de l’enregistrement, seules les informations de base sont publiées. La substance des dessins ou modèles (vues, indication et classification du produit) reste, quant à elle, confidentielle.
Enfin, il est à noter que l’enregistrement d’un dessin et modèle communautaire offre une protection de 5 ans minimum dans les 27 Etats membres de l’Union Européenne. Rapportée au nombre de pays couverts, cette procédure est parfois plus avantageuse financièrement qu’un dépôt national effectué auprès de l’INPI.
Pour aller plus loin dans la démarche de protection de la forme de vos créations, n’hésitez pas à nous contacter par email ([email protected]) ou par téléphone (09.67.52.53.29)