Logos, visuels, chartes graphiques, photographies, sites web, textes, contenu éditorial, développement informatique… il n’est pas rare que les clients des agences de communication, des designers et autres créateurs en free-lance, considèrent de facto la titularité des droits sur les créations conçues par ses prestataires comme la contrepartie de la rémunération versée dans le cadre du contrat de commande ou de prestation de service.
Ce bon sens économique, dont chaque entrepreneur pense être si bien pourvu, prend néanmoins l’exact contrepied du droit de la propriété littéraire et artistique qui trouve à s’appliquer en matière de créations d’œuvres protégeables par les droits d’auteur.
En effet, lorsque la prestation de service porte sur la création d’une œuvre de l’esprit protégeable par les droits d’auteur, comme un logotype, un nouveau modèle de flacon, un logiciel, il convient de ne pas perdre de vue que le paiement de la prestation n’emporte pas cession des droits de propriété intellectuelle. La possession matérielle du résultat tangible de la prestation doit être distinguée de la propriété incorporelle de l’œuvre, la qualité d’auteur appartenant à la personne qui a créé l’œuvre.
En d’autres termes, le contrat qui encadre la commande faite à un prestataire pour la création d’une œuvre n’entraîne pas automatiquement la cession des droits d’auteur à celui qui a effectué la commande.
Cependant, il convient ici de distinguer selon que le prestataire est une société, une agence de communication par exemple, ou un particulier travailleur indépendant, un designer par exemple.
En effet, le statut de créateur individuel indépendant – le freelance – revêt, au regard des principes dégagés aujourd’hui par la jurisprudence, une importance notable. En effet, si les dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) subordonne la transmission des droits du créateur à la condition que « chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée » (article 131-3 du CPI), ces prescriptions visent les contrats consentis par l’auteur, personne physique, dans l’exercice de ses droits patrimoniaux, à l’exclusion des conventions de type contrats de commande que peuvent conclure des agences de communication avec leurs clients (voir en ce sens l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris, pôle 5, ch. 1, 18 novembre 2009).
Dans cette dernière hypothèse, la facturation de prestation de créations, un logotype par exemple, par un professionnel de la communication emporte cession implicite des droits d’auteur en exécution du contrat de commande, au bénéfice du client pour lequel lesdites créations ont été réalisées.
A contrario, la facturation de prestation de création graphique conçue spécifiquement par un travailleur indépendant « particulier », n’emporte pas automatiquement cession des droits d’auteur.
Par conséquent, la propriété matérielle de la création graphique conçue par un freelance, demeure distincte de la propriété incorporelle de la création graphique, qui, en l’absence de cession de droits d’auteur, demeure une prérogative du créateur.
Ces prérogatives d’ordre patrimonial sont souvent invoquées par les créateurs lorsque leurs clients prennent la décision de changer de prestataire, et requièrent de leur ancien prestataire le transfert au nouveau prestataire de l’ensemble des créations réalisées jusqu’alors.
Aussi, et afin de prévenir tout contentieux, il est recommandé d’évoquer avec le prestataire sélectionné, qu’il s’agisse d’une agence professionnelle ou d’un travailleur indépendant, la cession des droits d’auteur dès les pourparlers, et de l’encadrer contractuellement, tout en ayant pris garde que les conditions générales de vente du prestataire ne contiennent pas d’article prévoyant que ce dernier conserve l’ensemble de ses droits d’auteur.
Afin de se prémunir d’éventuels désaccords lors de la réalisation de la commande qui bloqueraient ou mettraient inéluctablement fin à la création de l’œuvre, le contrat de cession, pourra prévoir une cession de l’œuvre au fur et à mesure de la réalisation de l’œuvre.
Enfin, conformément à la lettre de l’article L.131-3 du CPI, le contrat veillera à énumérer distinctement chacun des droits cédés, notamment le droit d’adaptation, source de contentieux, et à délimiter leur étendue, leur destination, le ou les lieux (par exemple pour le monde entier) où s’appliquera la cession ainsi que sa durée.